Au colloque CIA4 (Connaissances et informations en Action) 1sur les Fablabs qui a eu lieu en septembre 2024 à la Maison des Sciences de l’Homme de Bordeaux, nous avons eu la chance d’interviewer Mohammed Coulibaly, enseignant chercheur à l’Université de Ségou, docteur à l’Université Bordeaux Montaigne sous la direction de Vincent Liquète et Anne Lehmans (Professeurs en Sciences de l’Information et de la communication). Lors de cet entretien, nous découvrons comment un Fablab a vu le jour au Mali et quelles sont les difficultés pour créer ces types d’espaces partagés au Mali… Un Fablab est un espace public pour réaliser tous types de projets avec l’aide de machine complexe, comme une imprimante 3D, des machines à coudre. (inspirée de France Num2)

  1. Qu’est-ce qui vous a inspiré à vous engager dans les Fablabs, et comment a été votre parcours jusqu’à présent ?

« En fait, j’ai fait la découverte des Fablab à Cohabit (à Bordeaux), quand je faisais mon master de Médiation et médiatisation des savoirs (INSPE de Bordeaux). J’ai eu l’occasion de visiter le FABLAB Cohabit, dont j’ai fait la connaissance de Thierry, JB et Pierre. Après avoir fait cette visite, je me suis rendu compte que c’est des espaces qui me conviennent. Culturellement, je suis d’une culture de fabrication. Dès le bas âge, chez nous (au Mali), il y a des enfants qui fabriquent des voitures avec des boîtes de conserve. Puis, j’ai fait une formation d’informaticien et ma technique me manquait un peu, passé de l’informatique au SIC, c’était un peu compliqué pour moi.

Quand j’ai fait la connaissance de Thierry au Fablab Cohabit, j’ai demandé si je pouvais faire un stage chez eux. J’ai fait le stage et j’ai travaillé sur les imprimantes 3D, la fabrication des imprimantes 3D. Finalement, je me suis rendu compte que les pièces que l’on utilise dans ces imprimantes 3D, il y a pas mal de ces pièces que l’on retrouve dans les déchets électroniques, qui sont importés au Mali. Je suis Malien, du coup, j’ai eu l’idée de voir comment je peux utiliser ces déchets, avec des jeunes qui sont là-bas. J’ai pu aussi profiter de l’expérience de Thierry, Pierre et Jean Baptiste au niveau du Mali (en termes de projets). Donc, on a mis en place d’abord, des séances de communication entre le Fablab Cohabit et les étudiants de l’université de Ségou, pour voir s’il y a la possibilité de travailler ensemble. On a fait des vidéos conférences avec les étudiants de Ségou intéressés, et on a essayé de mettre en place un petit Fablab avec 2 robots que j’ai ramenés. Ces robots ont été fabriqués à Cohabit. C’est à partir de là que ça à démarrer. Après on est partit sur d’autres projets de développement locaux avec les gens en dehors de l’université, surtout avec le projet pour fabriquer des fours moins dangereux pour la santé pour des villageois.es. Finalement, on a imaginé de lutter contre la politique de déforestation au Mali. Le prototype a été fait à Cohabit et puis on l’a amené aux dames qui fabriquent ces types de fours. Finalement on a réalisé que c’était intéressant, et que les villageoises étaient intéressées par les projets ainsi que les étudiants locaux, et c’est avec ça que l’on a commencé le Fablab. »

2. Donc, votre Fablab se situe dans une université ?

« Oui, elle est à l’intérieur de l’université de Ségou. L’idée d’abord c’était un accompagnement pédagogique. Mais on a réalisé que l’on pouvait aller beaucoup plus loin, surtout avec les forgerons qui se trouvaient en ville comme les villageoises qui fabriquent des fours. On s’est dit : on doit créer des prototypes avec les artisans qui sont dans les alentours de l’université. C’est comme cela que l’on a élargi les adhérents du FabLab à des non-universitaires. »

3. Vous parlez de prototypes que vous avez produits avec des villageoises en Afrique au Mali, est-ce que c’est maintenant un produit qui est utilisé par leur communauté ?

« On avait fait 3 prototypes, pour voir vraiment si les prototypes fonctionnaient. On les avait confiés à 3 villageoises, et elles les ont utilisés pendant 3 à 4 mois, mais on n’a pas pu les récupérer. En réalité cela leur permettait d’économiser du bois et elles n’ont pas voulu nous les remettre. On a voulu fabriquer davantage mais avec des conditions sécurités faisait que l’on n’a pas pu aller au village pour récupérer les prototypes. »

4. Et donc cela veut dire, en termes de documentation, vous avez documenté toute la fabrication de ces prototypes ? Ou est-ce que vous avez dû recommencer à nouveau ?

« Pour de ce qui porte à la documentation, effectivement, une partie a été documentée, tout ce qui est plans a été documenté au Fablab mais quand on est passé au village. Mais la fabrication au village n’a pas été documentée. On avait demandé si on pouvait filmer les villageoises et elles avaient accepté. Mais le jour de la visite pour le tournage, on n’a pas pu traverser le fleuve pour arriver au village. Du coup, on n’a pas pu documenter. »

5. Quel est l’état actuel des Fablabs en Afrique et au Mali plus précisément, et comment le mouvement s’est-il développé à travers le continent ?

« L’état actuel des Fablabs en Afrique et Mali, est hypercompliqué, c’est la question que je me suis posée tout à l’heure. Quel est le modèle économique idéal pour les Fablabs ? Généralement, les Fablabs en Afrique sont des initiatives personnelles. Le financement est très compliqué. Il n’y a pas de politique pour accompagner les Fablabs. Généralement, c’est difficile de faire payer la population par rapport aux services. Finalement, il y a pas mal d’initiatives de création de FabLabs mais ils restent en tant que projet. Il y a pas mal de Fablab qui ferment la porte. Récemment j’ai discuté avec un fondateur de Fablab, il me disait qu’il a du fermé pour manque de moyens, il n’a pas pu trouver un modèle économique faisable. »

6. Par rapport à votre présentation lors du colloque, vous avez dit que vous êtes allés visiter 8 fablabs ?

« J’ai visité plus de 10 Fablabs se trouvant au Mali. L’idée était de voir tous les fablabs au Mali, mais malheureusement, ce n’était pas possible. J’ai pu visité une dizaine, certains à Bamako et 3 autres Fablabs à une grande distance (230 km) de mon université, pour voir leur fonctionnement, voir comment ils arrivent à la dynamique de reportage de connaissance, etc… »

7. Par rapport à tout cela, vous avez parlé de différents lieux du type : institut, association et entreprise, est-ce qu’il y a une disparité entre les différents espaces ?

« Il y en a qui sont beaucoup plus développés. Par exemple, les Fablabs qui sont soutenus par des associations privées (financé par des groupes comme Orange), sont beaucoup plus développés en termes de matériels. Par contre les Fablabs dans les centres culturels sont beaucoup plus tournés à l’entrepreneuriat. En réalité les adhérents sont accompagnés jusqu’à ce qu’ils arrivent à créer leurs entreprises et jusqu’à ce qu’ils aient un modèle économique stable, et donc c’est surtout ces Fablabs qui arrivent à évoluer. Par contre, les Fablabs qui se trouvent dans les universités sont généralement pour l’accompagnement pédagogique, à aider les élèves à faire des projets, de faire un rapprochement entre l’université et le citoyen. Ce sont ces Fablabs qui sont en difficulté. »

8. Sur cela, est-ce qu’il y a d’autres universités que la vôtre qui se sont intéressées à la création de Fablab ?

« Oui, il y a des universités qui ont créé des Fablabs, mais en réalité ces Fablabs sont généralement fermés au public, seulement les étudiants de l’université peuvent l’utiliser et donc c’est plutôt devenu une salle de TP (travaux pratique) qu’un Fablab. »

Suite à cet entretien, nous pouvons conclure que les Fablabs ont un but réel pour Mohammed dans l’avancement technologique de son pays. Deplus, cela démontre l’importance d’avoir un Fablab, pour pouvoir agrandir et développer ses compétences.

Roxanne GUERIN

Bibliographie:

  1. CIA4 Fabuleux fabulistes : Du projet utopique aux projets pratiques—Sciencesconf.org. (s. d.). Consulté 15 mai 2025, à l’adresse https://cia4.sciencesconf.org/ ↩︎
  2. Num, F. (s. d.). Qu’est-ce qu’un Fablab ? – Francenum.gouv.fr. Consulté 15 mai 2025, à l’adresse https://www.francenum.gouv.fr/guides-et-conseils/production-et-fabrication/quest-ce-quun-fablab. ↩︎

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