Le cyberharcèlement, loin d’être un phénomène nouveau continue d’être une réalité et reste un sujet crucial dans le monde d’aujourd’hui en raison de l’ampleur croissante de l’utilisation des technologies numériques, et de la prolifération des messages relayés par les réseaux sociaux et plateformes en ligne. Le cyberharcèlement peut causer des dommages psychologiques graves, y compris la dépression, l’anxiété, et dans les cas extrêmes, des pensées suicidaires voire même le passage à l’acte. La question du cyberharcèlement est importante aujourd’hui car elle touche à des enjeux sociaux, psychologiques, juridiques et technologiques majeurs, et nécessite des efforts collectifs pour protéger les individus, en particulier les plus vulnérables, contre cette forme de violence numérique. De par sa formation en sciences de l’information et de la communication, le professeur documentaliste peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation aux usages des réseaux sociaux. 

Le cyberharcèlement correspond à l’ensemble des comportements hostiles ou intimidants exercés sur Internet ou via les technologies numériques, dans le but de nuire à une personne. Cette forme de harcèlement, qui peut prendre de nombreuses formes (insultes, moqueries, menaces, diffusion de rumeurs, partage d’images ou vidéos privées sans consentement), touche des milliers de victimes, notamment les jeunes. Ces actes malveillants peuvent contribuer à l’isolement, détruire la confiance en soi et affecter la santé mentale des adolescents en pleine construction identitaire.

En France, Catherine Blaya (2013 ; 2015) utilise le terme cyberviolence lorsqu’il s’agit de violences ponctuelles et le terme cyberharcèlement lorsque ces violences sont répétées au moins une fois par semaine sur une durée d’un mois, prenant ainsi en compte les caractéristiques de fréquence et de durée. Selon Corcoran et Mc Guckin (2014), l’utilisation de termes spécifiques pour désigner telle ou telle forme d’agression mène à une prévalence inférieure de la victimisation en ligne que lorsqu’on utilise « cyberharcèlement », ce qui a des implications directes en termes de méthode.

En réalité, les cyberviolences peuvent prendre des formes extrêmement variées : diffusion de messages textes, d’images, de photographies ou de vidéos générées à l’aide d’outils d’Intelligence artificielle générative (deepfakes), et commentées. Elles peuvent être l’expression de moqueries, menaces, insultes, agressions à caractère sexuel, ostracisme, rumeurs, diffusion d’images humiliantes, lynchage, dissémination de documents privés sans l’autorisation de la personne impliquée ou encore consister en une usurpation d’identité ou un usage frauduleux d’un mot de passe (Willard, 2004). Les moyens de diffusion de ces messages sont divers : emails, SMS, réseaux sociaux…  Les recherches des 20 dernières années indiquent une évolution dans le sens où les SMS et les réseaux sociaux sont maintenant les moyens privilégiés en raison du développement des outils nomades comme les smartphones qui permettent de se connecter en tous lieux et tout temps (Mascheroni & Olafsson, 2014).

La loi contre le cyberharcèlement en France

En France, c’est principalement avec la loi du 4 août 2014 que le harcèlement moral a été reconnu comme une infraction pénale applicable aux particuliers. Cette loi stipule que « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la personne se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » est punissable d’une peine de prison et/ou d’une amende.

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique est venue renforcer la législation française en matière de lutte contre le harcèlement en ligne. Elle élargit notamment la notion de harcèlement moral au-delà des relations interpersonnelles (par exemple, entre collègues de travail) pour englober également les actes commis en ligne. Ainsi, les personnes qui publient des messages haineux ou menaçants sur les réseaux sociaux peuvent être poursuivies au même titre que celles qui commettent des actes similaires dans la « vie réelle ».

Les hébergeurs et les plateformes en ligne ont un rôle à jouer dans la lutte contre le harcèlement en ligne. La loi française leur impose notamment des obligations spécifiques en matière de signalement et de suppression des contenus illicites.

Les hébergeurs et les plateformes en ligne sont tenus de mettre en place un dispositif permettant aux utilisateurs de signaler les contenus illicites (y compris le harcèlement en ligne) qu’ils rencontrent sur leurs services. Ils doivent également informer les autorités compétentes de l’existence de ces contenus lorsqu’ils en ont connaissance.

Le cyberharcèlement est un phénomène qui concerne beaucoup plus les jeunes, et en particulier en milieu scolaire.

Cyberharcèlement en milieu scolaire

Selon la deuxième édition de l’enquête nationale de victimation et de climat scolaire (Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche), on observe une stabilité globale des situations de violences décrites et du ressenti des personnes entre 2011 et 2013, à champ constant. Les atteintes les plus souvent évoquées sont les insultes (57 %), le vol de fournitures (47 %), les sobriquets (moqueries) (39 %) et les mises à l’écart (37 %). Les violences physiques n’apparaissent qu’à la cinquième position du tableau, avec les bousculades qui touchent 36 % des élèves.

Selon l’étude de OMS/Europe du 27 mars 2024, alors que les tendances générales en matière de harcèlement scolaire sont restées stables depuis 2018, le cyberharcèlement a augmenté, amplifié par la numérisation croissante des interactions des jeunes, avec des impacts potentiellement profonds sur la vie des jeunes.

Le chiffre se présente comme suit :

Harcèlement infligé à l’école : en moyenne, 6 % des adolescents se livrent à des actes de harcèlement à l’école. Ce comportement est plus fréquent chez les garçons (8 %) que chez les filles (5 %) ;

Harcèlement subi à l’école – quelque 11 % des adolescents ont été victimes de harcèlement à l’école, sans qu’il n’y ait de différence significative entre les garçons et les filles ;

Cyberharcèlement infligé – quelque 12 % des adolescents, soit 1 sur 8, déclarent se livrer à du cyberharcèlement. Les garçons (14 %) sont plus susceptibles de dénoncer un cyberharcèlement que les filles (9 %). On notera que cela reflète une augmentation par rapport à 2018, où les pourcentages étaient de 11 % pour les garçons et de 7 % pour les filles ;

Cyberharcèlement subi – 15 % des adolescents (environ 1 sur 6) ont été victimes de cyberharcèlement, avec des taux très similaires pour les garçons (15 %) et les filles (16 %). Ceci représente une augmentation par rapport à 2018 : de 12 % à 15 % pour les garçons et de 13 % à 16 % pour les filles ;

Lutte corporelle – 1 adolescent sur 10 en est parfois venu aux mains, avec une différence notable entre les sexes : 14 % des garçons contre 6 % des filles.

Les micro-agressions favorisées par les médias numériques ont toutefois tendance à augmenter entre 2011 et 2013 : les insultes ou les humiliations sur les réseaux sociaux ou par SMS augmentent de cinq points, par exemple.

La cyberviolence touche plus souvent les filles ; 21 % d’entre elles déclarent avoir connu au moins une cyberviolence contre seulement 15 % des garçons. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant que les filles connaissent globalement moins de victimations que les garçons : 54 % dissent ne pas avoir subi de fait violent contre 47 % des garçons. La cyberviolence touche beaucoup plus souvent les élèves en situation de harcèlement, quel que soit le type de violence (55 %).

La cyberviolence s’accompagne souvent d’une perception dégradée du climat scolaire chez les élèves qui en sont victimes : 38 % ressentent l’établissement comme violent (près de 18 points de plus que l’ensemble des collégiens) ; 17 % estiment que leurs relations avec les enseignants sont marquées par l’agressivité (contre 10 % en moyenne) ; 17 % déclarent ne pas s’être rendus au collège par peur de la violence (contre 6 % en moyenne).

Pour lutter efficacement contre le cyberharcèlement, les professeurs documentalistes ont un rôle clé à jouer en renforçant l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI). Ils peuvent organiser des ateliers de sensibilisation permettant aux élèves de :

  • Reconnaître les comportements à risque sur internet,
  • Savoir comment réagir face à une situation de cyberharcèlement, que l’on soit victime ou témoin,
  • Adopter une attitude responsable et citoyenne dans leurs usages numériques.

Par ailleurs, la réalisation d’affiches sur le thème du cyberharcèlement, visibles dans tout le CDI, permet d’attirer l’attention des élèves et de faire passer des messages de prévention de manière visuelle et percutante.

Il est également essentiel de travailler en partenariat avec des associations engagées dans la lutte contre le cyberharcèlement, telles que e-Enfance, Élève ta voix, l’APHEE (Association pour la Prévention des Phénomènes de Harcèlement entre Élèves) etc, afin de faciliter la communication, l’intervention d’experts, et la mise en œuvre de projets concrets autour de cette problématique.

En France, pour les élèves, parents, professionnels, un numéro vert (3018) et une application mobile sont disponibles pour tout renseignement ou signalement sur le sujet du cyberharcèlement. Le numéro est gratuit, anonyme et confidentiel disponible 7jours/7, de 9h00 à 23h00.

Le cyberharcèlement est un phénomène préoccupant qui touche de plus en plus les jeunes, plus précisément les élèves, en particulier avec la montée en puissance des technologies numériques et l’IA aujourd’hui. Le professeur documentaliste, avec les autres professeurs et éducateurs, se doivent de renforcer la prévention, la sensibilisation et les outils de soutien pour protéger les élèves et réduire l’impact de ce phénomène. Une collaboration entre les écoles, les parents, les autorités et les plateformes numériques est indispensable pour offrir un environnement scolaire sûr et respectueux pour tous.

Références bibliographiques :

Blaya Catherine, « Le cyberharcèlement chez les jeunes », Enfance, vol. 3, no 3, 12 octobre 2018, p. 421‑439. URL : https://shs.cairn.info/article/ENF2_183_0421. Consulté le 29 janvier 2025.

Ghardallou M., Mtiraoui A., Amara A., Ennamouchi D., Sahli J., Zedini C. et Mtiraoui A., « P081 – La victimisation par cyber-harcèlement chez les adolescents en milieu scolaire: prévalence et facteurs associés », Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique, vol. 71, 1 mai 2023, titre du fascicule : EPICLIN 202317e Conférence francophone d’Épidémiologie Clinique30e Journées des statisticiens des Centres de Lutte contre le Cancer, p. 101725. URL : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0398762023003061. Consulté le 29 janvier 2025.

Hannah, « La loi française et la lutte contre le cyberharcèlement ? », Cyber-harcèlement, 3 mai 2023. URL : https://cyber-harcelement.info/la-loi-francaise-et-la-lutte-contre-le-cyberharcelement/. Consulté le 4 février 2025.

« Françoise Chapron – Librairie de Paris Paris », Librairie de Paris, [s.d.]. URL : https://www.librairie-de-paris.fr/listeliv.php?base=paper&form_recherche_avancee=ok&auteurs=Fran%C3%A7oise%20Chapron. Consulté le 24 mars 2025.

« Une nouvelle étude de l’OMS/Europe révèle qu’un enfant d’âge scolaire sur 6 est victime de cyberharcèlement », [s.d.]. URL : https://www.who.int/europe/fr/news/item/27-03-2024-one-in-six-school-aged-children-experiences-cyberbullying–finds-new-who-europe-study. Consulté le 9 février 2025.

« Un collégien sur cinq concerné par la cyberviolence », Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, [s.d.]. URL : https://www.education.gouv.fr/un-collegien-sur-cinq-concerne-par-la-cyberviolence-3815. Consulté le 9 février 2025.

« Cyberviolences et cyberharcèlement : que faire ? », [s.d.]. URL : https://www.cnil.fr/fr/cyberviolences-et-cyberharcelement-que-faire. Consulté le 4 février 2025.

« Qu’est-ce que le harcèlement ? », Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, [s.d.]. URL : https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/qu-est-ce-que-le-harcelement-325361. Consulté le 29 janvier 2025.

3 Comments

  1. Abm

    Excellent post, très bien expliqué et facile à comprendre

  2. This article effectively highlights the growing issue of cyberbullying among young people, especially in schools. The emphasis on AI-generated content and the specific legal measures in France provide a comprehensive view of the problem and its solutions.

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